Leonard, le laboratoire de l’innovation et de la prospective créé par le groupe VINCI, poursuivait mardi soir le déroulement de son cycle sur la transition environnementale avec une table ronde consacrée à la construction durable. Pour débattre, Leonard avait convié Manal Rachdi, fondateur de l’agence OXO Architectes, Armelle Langlois, directrice du Pôle performance durable chez VINCI Construction, Bruno Peuportier, directeur de recherche au sein du Lab environnement recherche à VINCI – ParisTech, Emilie Hergott, directrice chargée du développement de l’ingénierie et de l’innovation à l’ARCEP, et Benjamin Tincq, fondateur du Good Tech Lab.
Avec 44 % des énergies consommées, le secteur de la construction est l’un des plus émissifs en France et le béton, très énergivore dans sa confection, en première ligne des critiques. Armelle Langlois a donc commencé par rappeler que la France allait passer prochainement de la RT 2012 à la RE 2020, cette transition étant facilitée par la mise en place de l’Expérimentation E+C- qui permet de défricher ce qui va être demandé aux constructeurs et de voir où se cachent les émissions que la nouvelle réglementation demande de réduire. Elle a également détaillé les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la construction qui se partagent comme suit : 40 % sont liées à l’usage du bâtiment sur 50 ans et 60 % à la construction en elle-même (dont 56 % rien que pour les matériaux). L’enjeu est donc aujourd’hui « d’optimiser les quantités de matière mises en oeuvre, en utilisant par exemple moins de béton pour réaliser plus de mètres carrés de plancher » grâce à de nouvelles techniques de fabrication. VINCI Construction réfléchit ainsi actuellement à fabriquer des bétons bas carbone où l’on substitue la majorité du ciment, dont la production est extrêmement émissive, ou à accentuer le réemploi de matériaux, comme la pose de dalles de faux plafond réutilisées dans des bureaux neufs.
Bruno Peuportier a pris le relais pour présenter deux exemples de nouveaux quartiers pensés pour réduire les émissions de CO2. Le projet Les Lumières à Saint-Denis (93) s’appuie sur une mise en application concrète de l’analyse du cycle de vie, qui mesure les effets quantifiables de produits ou de services sur l’environnement. Regroupant de nombreux bureaux (170 000 m2) et logements (42 000 m2) autour d’une future gare du Grand Paris, il représente une solution certes très dense mais intéressante pour réduire l’utilisation des transports par rapport à des zones pavillonnaires très étendues. Autre exemple avec les logements sociaux de Santurtzi (Espagne) où l’on optimise le bâtiment par des algorithmes génétiques (sur l’épaisseur d’utilisation, le type de vitrages, etc.) afin de minimiser le coût de construction et les impacts environnementaux.
Invité à partager avec la salle sa vision d’architecte, Manal Rachdi, spécialiste du biomimétisme, a expliqué qu’il posait « un regard sensible sur une situation donnée, sur la ville de demain et comment on va l’habiter ». Sa problématique ? Faire un bâtiment vivant et inspiré de la nature qui l’entoure. Pour l’Arbre Blanc, immeuble d’habitation construit à Montpellier et élu par le site ArchDaily « plus beau bâtiment résidentiel du monde », Manal Rachdi et les autres architectes du projet, parmi lesquels le Japonais Sou Fujimoto, se sont interrogés sur ce qu’était l’écologie du Sud. L’idée était de faire vivre les habitants de l’Arbre Blanc dans une tour comme ils vivraient dans une maison, en pensant ces grands balcons de 8 mètres de long pour favoriser la vie dehors. Des balcons qui protègent de fait la façade du vent et des trop fortes chaleurs, favorisant donc les économies d’énergie. Autres exemples : le futur Paris Parc de Jussieu avec sa rue intérieure pour favoriser le rafraîchissement du bâtiment par lui-même et son toit végétalisé pour plus de biodiversité, ou l’Ecotone d’Arcueil, 80 000 m2 de bois construits dans la continuité de la vallée de la Bièvre avec d’une part son approche énergétique de la construction puisque 95 % des énergies sont issues de la géothermie, et d’autre part son approche décarbonée avec l’utilisation du bois comme matériau principal.
Invitée à rebondir sur les réflexions de Manal Rachdi, Emilie Hergott a quant à elle affirmé qu’il fallait aujourd’hui « faire plus avec ce que nous avons déjà ». Pour l’AREP, il s’agit par exemple d’adapter le réseau de gares existantes à de nouveaux besoins (en travaillant notamment sur les flux, qui sont au coeur de l’usage d’une gare ferroviaire) ou d’agir en amont, au stade de la conception des ouvrages. « Il faut investir plus dans la matière grise pour économiser des tonnes de CO2 par la suite », a-t-elle résumé. Une vision partagée par Manal Rachdi qui a rappelé que l’optimisation d’un bâtiment se faisait dès sa conception, en le dessinant et en le pensant de la meilleure des manières, respectueux de l’environnement. « Le bâtiment doit avoir son ADN, a-t-il ajouté, la possibilité d’évoluer, d’être réutilisé, recyclé. » S’il abrite des bureaux dans un premier temps, il doit ainsi pouvoir accueillir 15 à 20 ans plus tard des logements. L’optimisation et l’économie de matériaux sont donc au coeur du problème, ce qui a fait dire à Armelle Langlois en conclusion que « le bâtiment qui consomme le moins est celui qu’on ne va pas construire ».
Pour retrouver toutes les solutions « clean tech » présentées lors de la table ronde par Benjamin Tincq, qui a participé avec Leonard à la réalisation du nouvel Emerging Trends consacré aux « climate tech », c’est par ici.
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