La Fabrique de la Cité recevait mardi 29 octobre Geneviève Zembri-Mary, professeure en aménagement et urbanisme à l’université de Cergy-Pontoise, et Marine Oudard, architecte, chez Dominique Perrault Architecture, pour évoquer les effets d’entraînement des Jeux Olympiques sur les villes hôtes et leurs impacts sur l’émergence de nouvelles centralités.

En préambule, Raphaël Languillon, chargé d’études senior à La Fabrique de la Cité, a mis en lumière l’exemple de Tokyo, dont les différents projets olympiques ont marqué la ville à divers degrés. Si le projet de 1940 ne s’est pas réalisé, il a toutefois marqué la structure de la capitale nippone et les projets olympiques suivants (1964, 2016 et 2020). En 1964, Tokyo accueille pour la première fois les Jeux olympiques et la ville s’équipe en conséquence en réalisant d’importants investissements dans des infrastructures lourdes, concentrées dans l’ouest de la ville. Le projet de 2016 gagne encore en compacité, concentrant l’ensemble des infrastructures et équipements dans un diamètre de 8 kilomètres composé de deux zones (dont l’une en front de mer) et cinq clusters. Quant à celui de 2020, il met en avant la notion d’héritage en réutilisant notamment les espaces ayant servi en 1964. Quoi qu’il en soit, une continuité existe entre les projets de 1940 et 1964 d’un côté et ceux de 2016 et 2020 de l’autre, symbôle à chaque fois de dynamiques urbaines différentes (étalement vers l’ouest / rénovation des centres et avancées maritimes au sud-est). Ici, l’héritage des JO et son impact sur l’urbanisation sont véritablement pensés comme un temps long, s’étalant sur 80 ans.

Geneviève Zembri-Mary s’est pour sa part penchée sur deux autres cas significatifs : Athènes, organisatrice des JO 2004, et Londres, organisatrice des JO 2012. Deux sites n’ayant au départ aucun atout de la centralité (attractivité, capacité d’action sur sa périphérie, facilitateur d’échanges regroupant des infrastructures diverses, etc.) : Helleniko était un ancien aéroport pollué de plus de 500 hectares et Stratford une friche industrielle de 420 hectares comptant 1 000 habitants et 5 000 salariés. Dans chaque cas, les documents de planification voient les JO comme un catalyseur de régénération urbaine et de centralité, à condition d’y mettre évidemment de la volonté politique et des moyens. Qu’en est-il dans les faits ? Si les différents projets pensés pour Athènes prévoyaient la réhabilitation du front de mer ainsi que la préservation et la promotion de l’héritage culturel de la capitale grecque, seul le centre ancien a bénéficié des effets post JO (avec notamment des infrastructures de transports), quand le site d’Helleniko a été totalement délaissé. Le parcours de kayak, l’aéroport ou le stade de softball sont ainsi à l’abandon aujourd’hui. Inversement, Londres a su profiter pleinement de l’effet JO, faisant de l’est de la ville une nouvelle zone de centralité à part entière : le site de Stratford a été reconverti et abrite aujourd’hui logements et bureaux, un centre commercial et des équipements sportifs. Preuve d’un plan de régénération urbaine efficace en amont, de nombreux logements et bureaux sont encore prévus à la construction d’ici 2030.

Ville hôte des Jeux olympiques 2024, Paris doit de son côté relever plusieurs défis dans l’aménagement de son site olympique. Marine Oudard a toutefois expliqué que ce projet s’inscrivait dans un autre projet plus vaste et déjà sur les rails, le Grand Paris. Clin d’oeil à l’Histoire, le village olympique 2024 sera situé non loin du village olympique de 1924, alors premier du genre mis en place pour les athlètes. Parmi les défis à relever, la nécessité de condenser le village olympique sur 51 hectares et trois communes (Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Ile-Saint-Denis) en créant un nouveau quartier dans un contexte déjà extrêmement urbain. Le point central de la zone sera la gare Pleyel qui accueillera deux lignes de RER (B et D) et cinq lignes de métro (13, 14, 15, 16 et 17) pour un flux de voyageurs équivalent à celui de Châtelet (environ 250 000 voyageurs). Paris 2024 est ainsi présenté comme une chance pour la Seine-Saint-Denis qui pourrait de fait être désenclavée et bénéficier d’une autre image que celle véhiculée aujourd’hui.

Dernier point d’importance, ce futur quartier a pour ambition de recréer une trame d’espace public vertueuse avec de nombreux espaces ouverts pensés pour créer une ville durable : la Seine, vue comme un corridor écologique majeur serpentant entre plusieurs domaines et parcs, est ainsi au coeur des plans d’aménagement du site. Les futurs îlots urbains du site, ouverts sur la Seine, sont vus comme des « îlots bateaux » directement reliés au fleuve, à ses activités et à ses berges. Comme à Londres, le plan de reconversion du site a été longuement pensé en amont puisque le village olympique qui accueillera près de 16 000 athlètes et leurs accompagnants en 2024 hébergera l’année suivante 8 000 habitants. L’Ecoquartier fluvial de L’Ile-Saint-Denis prévoit en effet d’accueillir 320 logements (dont 30 % de logements sociaux), 130 logements étudiants, un hôtel, 10 200 mètres carrés de bureaux, 4 000 mètres carrés d’activités/services et 1 300 mètres carrés de commerces de proximité ; quant à la zone Saint-Ouen / Saint-Denis, elle englobera 1 900 logements (dont 25 à 40 % de logements sociaux), 750 logements spécifiques, un hôtel, 117 000 mètres carrés de bureaux, d’activités et de services, ainsi que 2000 mètres carrés de commerces de proximité.

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