Tirages volcaniques, salins, à base de chlorophylle ou de pigments végétaux

Quatre photographes-plasticiennes animées par une préoccupation commune : le devenir de l’environnement. Tirages volcaniques, salins, à base de chlorophylle ou de pigments végétaux… leurs œuvres, uniques et encore inédites pour la plupart, questionnent notre impact – y compris celui de l’artiste et de sa production – face à l’urgence des dérèglements environnementaux et tendent à donner à voir l’invisible. Léa Habourdin (France – née en 1985) interroge la façon dont notre société protège ses forêts anciennes et rend sensible ce que l’œil ne perçoit pas toujours : la destruction des forêts primaires françaises. La photographe se définit comme une « survivaliste de l’image », utilisant deux techniques ancestrales : l’anthotype et la sérigraphie à partir de pigments naturels. « Mourir par le regard » : l’idée que les images produites par la technique de l’anthotype sont « condamnées à mourir par le regard » l’intéresse particulièrement. Si un anthotype est exposé à la lumière du jour, il disparaît progressivement, devenant ainsi la métaphore des forêts françaises, peu protégées et amenées elles aussi à s’évanouir. En contrepoint, elle utilise la sérigraphie – à base de pigments végétaux biologiques – afin de transcrire un espoir grandissant de sauvegarde de ces mêmes forêts. Almudena Romero (Espagne – née en 1986) Fille d’une famille d’agriculteurs, elle utilise les plantes du jardin de sa grand-mère depuis sept ans. Elle emploie leur chlorophylle comme révélateur et leurs feuilles comme supports photographiques. Ce procédé par photosynthèse ne nécessite aucune chimie, ni encre. Laure Winants (Belgique, née en 1991) analyse l’éruption soudaine du volcan islandais de Fagradaisfjall. Les images obtenues sont concrètes, imprimées in situ avec les pigments volcaniques. Laure Winants réalise les tirages de ses images sur le lieu de leur prise de vue. Son travail est étroitement lié aux données collectées par les scientifiques sur le terrain et cherche à « donner directement la parole à l’environnement ». Ilanit Illouz (France, née en 1977) travaille également la matière, principalement le sel. Sa fascination pour l’histoire l’a poussée jusqu’à la mer Morte, frontière naturelle entre la Jordanie, Israël et la Palestine. Ici, le territoire « est la proie des choix de l’homme » puisque le Jourdain « qui l’alimentait en eau, n’y coule plus, le condamnant à un assèchement progressif », raconte-t-elle. C’est sur ce territoire sec et aride, semblable à la Lune, que se forment des dolines, dépressions remplies de sel, signes alarmants de l’érosion du sol. Pour sa série Les Dolines, la photographe a arpenté les lieux, les a documentés et, telle une archéologue, a récolté et ramassé ce qui lui servira de témoin. Cartographe du sensible, elle se sert de la matière pour nourrir son geste photographique. L’usage du sel et de ses propriétés paradoxales – conservation et destruction – opère une délicate déformation sur le tirage, le pétrifie et le transforme en fossile. Majestueuses et scintillantes, les images d’Ilanit Illouz sont de « véritables métaphores de la mémoire », faisant place à la réflexion sans que nulle réponse ne soit jamais imposée.